Ferhat Imazighen Imula

Artiste / groupe : Ferhat Imazighen Imula
Genre : kabyle

Paroles : Lettre aux jeunes kabyles / Ferhat Imazighen Imula     Ajoutées par : gng_makabylie

A vous qui êtes appelés à poursuivre notre œuvre,
nous savons combien est lourde la responsabilité que notre génération remet entre vos mains. Nous en connaissons le poids depuis que, très jeunes nous aussi, nous l’avons reçue de nos aînés. A votre tour, vous aurez à la léguer à vos cadets qui la remettront à vos enfants. Ainsi, de nos lointains ancêtres à nos arrières petites filles et petits fils, et ce, jusqu’à la fin des temps, chaque génération de Kabyles est anoblie par l’Histoire qui lui confie la mission de perpétuer notre souffle de vie, de dignité et de liberté de tous temps menacés par des tyrans et des envahisseurs. Vous aurez, vous aussi, à insuffler, à cette parole aux multiples accents, que nous tenons de nos Anciens, une vitalité et un dynamisme qui seront décuplés par votre descendance. Le kabyle qui fait notre originalité et notre fierté en tant que peuple, cette langue qui nous vient du fin fond des âges et de la grande famille amazighe, est ce que nous apportons de meilleur à l’humanité. Il exprime notre âme, notre être et notre terre face au déchaînement des hommes et des éléments dont il freine la folie en leur montrant combien notre attachement à la liberté est sans limite, notre hospitalité légendaire et notre respect des autres peuples total.
Laeqel i d-ttellint wallen
ÂŁer tafat n wawalen
N usirem n timanit d tlelli
Amezruy ittɣawalen
Ma llan wid i t-yessarwalen
ÂŁef lebɣi nneɣ akken ur d-yettili
A tarwa yesgerwilen
Tamurt nneɣ yemcebbwalen
Zdatwen abrid itelli
Tiɣri n wid i d-yessawalen
Deg umezruy ssembawalen
Ibeddi n weɣref aqbayli
Les montagnes de poussières déposées par les vents de l’Histoire sur nos cœurs et nos yeux, nos têtes et nos épaules avaient, presque toujours, des siècles durant, égarés nos pas et nos regards vers les pays des prismes déformants. Il est encore difficile de reconstituer notre itinéraire. Aujourd’hui, flotte encore sous nos yeux, l’image du grand roi Massinissa qui, après ses délibérations officielles en punique, allait embrasser ses nombreux enfants dans une langue qui ressemblait à notre kabyle. Notre Aguellid avait l’ambition de faire de notre terre et de notre peuple un trait d’union entre l’Orient et l’Occident, mais force lui était de constater que notre terre ne représentait pour eux qu’un lieu d’affrontement, une arène pour leurs gladiateurs luttant sans merci pour conquérir des terres, assouvissant ainsi les instincts de domination de quelques illuminés aujourd’hui présentés par leurs descendants comme les fondateurs de leur grandeur et qui font leur fierté. Notre peuple épris d’amour et de paix était réduit malgré lui, à une vulgaire réserve de soldats qu’on levait au service de causes qui étaient rarement les siennes. Nos révoltes initiées par le vaillant Jugurtha, n’ont jamais cessé. Nous sommes fiers que notre terre et notre peuple n’aient donné à l’humanité que des résistants.
Nous n’avons pas eu à participer à la falsification de l’Histoire que ceux qui nous avaient momentanément vaincus avaient écrite pour se glorifier et nous avilir. Nous n’avons pas eu de répit pour écrire. A peine avions-nous repoussé les hordes européennes vers le Nord, dans un épuisant effort, que nous avons eu à affronter les Arabes venus de l’Est pour, sous le prétexte de l’islam, violer notre terre et notre âme, voler nos richesses et nos filles au nom d’un Dieu qu’ils n’ont jamais respecté. Ils disaient vouloir nous apporter la liberté d’Allah et ils diabolisèrent nos femmes dont nous faisions pourtant des reines, à l’image de la Kahina. Moralement nous leur étions supérieurs. Militairement, il a fallu quelques siècles pour en venir à bout. La formation de la personnalité de la Kabylie était alors amorcée. Les Almoravides, fuyant la furie des Almohades établis à Marrakech, apportèrent la dernière touche sociologique et humaine à l’édifice institutionnel de la Kabylie stabilisée depuis. L’Afrique du Nord, payant son inféodation aux califats moyens orientaux et à leurs insatiables besoins de richesses qui l’enlisèrent dans l’aventure de l’Andalousie, se désagrégea dans une confusion générale qui allait ouvrir la voie à une nouvelle conquête du sous-continent par les peuples d’Europe et d’Asie mineure. Dans la foulée de la Reconquista, les Espagnoles s’établirent à l’Ouest et sur la côte Kabyle et durent se replier à l’arrivée des Turcs qui établirent leur mainmise sur un territoire allant de Tunis à Tlemcen à l’exception de l’enclave kabyle. Les représentants de la Sublime Porte à Alger n’avaient que l’insulte à leur portée pour se venger de ce peuple frondeur qui les narguait et refusait leur autorité.
C’est la France qui, après ses deux victoires sur la Kabylie, 1857 et 1871, a fait perdre à notre peuple le contrôle de son destin. Pour le reconquérir, il s’était cru dans l’obligation de se fondre dans une nouvelle identité, un nouveau pays, un nouveau peuple, taillés sur mesure par la France coloniale, l’Algérie. L’engagement de la Kabylie pour l’indépendance algérienne fut franc, total et massif et ce depuis 1926 alors que les Oulémas, précurseurs des terroristes islamistes, aujourd’hui coupeurs de têtes au nom d’Allah, dénonçaient sans vergogne les indépendantistes dans leurs écrits. L’antikabylisme prenait de l’épaisseur.
Laeqel i d-ttellint wallen
ÂŁer tafat n wawalen
N usirem n timanit d tlelli
Amezruy ittɣawalen
Ma llan wid i t-yessarwalen
ÂŁef leb$i nneɣ akken ur d-yettili
A tarwa yesgerwilen
Tamurt nneɣ yemcebbwalen
Zdatwen abrid itelli
Tiɣri n wid i d-yessawalen
Deg umezruy ssembawalen
Ibeddi n weɣref aqbayli
Vous qui êtes appelés à entretenir la mémoire de nos sacrifices pour les générations qui vous suivront, sachez qu’en tant que Kabyles, nous avions oublié dans notre combat pour l’Algérie, jusqu’au fait que nous étions un peuple. Nous, dont les parents s’étaient donnés en offrande à l’indépendance de l’Algérie, avons grandis, comme nos aînés, dans la ferveur nationaliste et voulions faire de notre pays le plus beau et le plus prospère au monde. Notre amour était et reste entier pour cette terre irriguée de nos larmes et de notre sang, cette patrie miroitant dans les regards trahis de nos veuves et des nos orphelins, sortie des râles de nos maquisards qui rendaient l’âme sous la torture de leurs bourreaux dans les caves du colonialisme ou, après, dans les bas-fonds de la police politique de l’indépendance. Notre attachement à cette Algérie, dont la plupart de ses libérateurs kabyles n’avaient aucun arrière pensée, était charnel. Nous luttions en Kabylie en rêvant à toute l’Algérie dont nous voulions changer le régime dictatorial en démocratie, le système tortionnaire en celui des droits de l’homme, l’école en celle de la science, du progrès et de la modernité afin de mieux nous insérer dans le monde des libertés. Nous luttions pour une identité collective, l’amazighité, pensant rendre service aux Algériens qui auraient enfin à partager des valeurs communes et un sentiment de fraternité retrouvée avec la fierté des mêmes origines. Notre voie était tracée par l’Etoile Nord-africaine de 1926 à travers laquelle la Kabylie s’était engagée à prendre en charge le destin de tout le sous-continent. Notre combat a, de tous temps, été généreux, orienté vers l’intérêt des autres en lieu et place de celui des Kabyles et de la Kabylie. De l’insurrection armée du FFS en 1963, au printemps noir 2001, en passant par le printemps berbère de 1980, tous les militants kabyles n’avaient d’autre objectif que de construire une Algérie conforme à leur rêve commun. Nous confondions tous, allègrement, l’Algérie et la Kabylie. C’est au terme d’un long processus que nous avons pris conscience de l’impasse dans laquelle nous étions. « Un militant ne remet pas en question sa cause ; La force d’une conviction écrase toutes le preuves de sa réfutation »
Aujourd’hui, faut-il condamner ou remercier tous ceux qui n’avaient jamais cessé de nous ramener à notre réalité identitaire et ce depuis l’accession de l’Algérie à son indépendance ? Doit-on incriminer ou féliciter toutes celles et tous ceux qui, de l’intérieur ou de l’extérieur de l’état algérien, dans la rue ou dans les administrations, rabaissaient notre algérianité au rang d’une insulte, d’une souillure, d’une honte nationale ou, dans le meilleur des cas, d’une menace sur l’unité du pays ? En tout état de cause, le chantage exercé sur nous de choisir entre être Arabes ou ne pas être Algériens est du même ordre que celui auquel nous soumettait le colonialisme, être Chrétiens ou ne pas être citoyens. Dans ce pays où nous ne sommes pas des immigrants, tout pouvoir qui exige de nous de renoncer à notre identité et à notre langue pour celles qu’il nous impose, est de type colonial. Après la langue, qui l’empêcherait de nous demander de changer de peau, de visage, et pourquoi pas, de statut d’êtres humains libres pour celui d’esclaves, voire de bêtes de somme ? Non ! Notre dignité impose que nous nous assumions dans ce que nous sommes et non dans ce que des despotes racistes voudraient que nous devenions. Nous sommes kabyles et nous formons un peuple fier de l’être. C’est une donnée que le pouvoir algérien serait mieux inspiré d’assimiler et de consacrer par un statut adéquat afin d’offrir à la région et au pays la réconciliation et la stabilité dont ils sont privés depuis quarante ans. En avril 2001, dans l’indifférence générale, un massacre est perpétré en Kabylie par les forces gouvernementales. Le choc provoqué par ces événements nous a amenés à repenser notre démarche de façon radicalement différente. Nous nous sommes sentis trahis, exclus un peu plus de cette Algérie qui se montre compatissante à l’égard des Arabes du Moyen Orient au moment même où des mères et des pères kabyles pleurent seuls leurs enfants fauchés par des balles des gendarmes algériens. Nous avons dès lors repris un à un les éléments de notre histoire, depuis la constitution du FFS au printemps noir 2001 et chaque élément du puzzle retrouva sa place. Les Kabyles ont systématiquement été marginalisés dans leur combat pour l’Algérie : Que ce soit en 1963, ou en 2001 en passant par quatre-vingt, la création de la Ligue des Droits de l’homme en 1985, les Kabyles ont été rejetés, nos organisations politiques n’ont jamais pu fédérer une majorité d’Algériens. Après pareil constat notre réflexion s’est réorientée vers la recherche d’une solution globale. Nous voulons avant tout sauvegarder l’intégrité du pays tout en offrant au peuple kabyle la possibilité de présider à son destin comme il le souhaite sans pour autant gêner ses compatriotes mais sans plus attendre que ceux-ci partagent ses aspirations en ce qui concerne sa langue, sa culture et ses pratiques religieuses.
Laeqel i d-ttellint wallen
ÂŁer tafat n wawalen
N usirem n timanit d tlelli
Amezruy ittɣawalen
Ma llan wid i t-yessarwalen
ÂŁef lebɣi nneɣ akken ur d-yettili
A tarwa yesgerwilen
Tamurt nneɣ yemcebbwalen
Zdatwen abrid itelli
Tiɣri n wid i d-yessawalen
Deg umezruy ssembawalen
Ibeddi n weɣref aqbayli

Vous qui portez, déjà, le fardeau de notre destin et qui relevez le défi de construire, aux générations futures, un avenir protégé de la violence et de l’injustice, savez que les intérêts en jeu dépassent ceux des individus et de leurs carrières, ceux des groupes et de leurs chapelles. Aucun de nous n’a le droit de se faire passer pour prioritaire sur l’avenir du peuple kabyle.
Cessons de nous déprécier. Ceux d’entre nous qui défendent les droits légitimes du peuple kabyle avec sérieux et abnégation méritent notre respect. Il est encore trop tôt pour se perdre dans des débats qui ne pourront être soulevés que lorsque nous aurons un Etat propre à notre région. Les problèmes idéologiques impliquant des choix de société pour la Kabylie sont importants mais pas pour l’heure. Une fois notre autonomie acquise, charge pour nous de voter pour le parti ou le candidat proche de nos opinions. Identifions-nous aujourd’hui à cet Indien d’Amérique à qui l’on demandait s’il était, politiquement, de l’aile gauche ou de l’aile droite et qui répondait : « je suis l’oiseau ! »
C’est entre vos mains, jeunes kabyles, que je dépose ce message qui, pour moi, a la valeur de toutes les souffrances et de toutes les épreuves que notre peuple a eu à affronter à travers les âges. Chaque mot y dit notre générosité et notre respect de nous-mêmes et des autres. J’espère qu’il porte toutes les espérances de la Kabylie d’aujourd’hui et celles de son avenir qui ne pourront se réaliser que dans le cadre d’un état kabyle.
Demain, si notre option pour l’autonomie s’avère en deçà ou au-delà des intérêts du peuple kabyle, il vous revient d’en réajuster le cap.
Comme nos prédécesseurs, nous avons fait notre devoir, à vous de faire le vôtre, d’aller plus loin.
VIVE LA KABYLIE !
VIVE LA KABYLIE !
VIVE LA KABYLIE !
Laeqel i d-ttellint wallen
ÂŁer tafat n wawalen
N usirem n timanit d tlelli
Amezruy ittɣawalen
Ma llan wid i t-yessarwalen
ÂŁef lebɣi nneɣ akken ur d-yettili
A tarwa yesgerwilen
Tamurt nneɣ yemcebbwalen
Zdatwen abrid itelli
Tiɣri n wid i d-yessawalen
Deg umezruy ssembawalen
Ibeddi n weɣref aqbayli


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